J'inaugure avec "la grève" une série de post qui portera sur les films que j'ai vu récemment. Outre quelques commentaires (très) personnels sur l'oeuvre en elle même, je m'amuserais à proposer un petit poème en rapport avec le film, à la manière de l'excellente émission "Striptease".
"On à volé le manomètre !
un corps s'élève sous la pression
une foule en fuite au chant des maîtres
oppose le sang des réunions"
Ce qui me frappe dans ce film de 1925 où la masse des ouvriers tient lieu de personnage principal, c'est l'irruption dans le récit de l'éternelle figure du martyr: le suicide d'un ouvrier par pendaison, injustement accusé de vol, cristallise la colère de ses camarades et provoque la grève. Si le sort du martyr ne constitue pas à lui seul l'origine de la révolte, il est néanmoins l'élément déclencheur de celle ci. Il est l'événement singulier (le climax) qui donne le signal de l'action, la rend absolument nécessaire, comme si la mort d'un homme faisait basculer l'ensemble du corps social dans l'insupportable.
Eisenstein ne convoque pas "par hasard" la figure du martyr dans son film qui était destiné à participer d'une série de cinq film intitulée "vers la dictature". Son surgissement est à mettre en lien avec les visées de propagande de l'œuvre et les notions marxistes de lutte de classe et d'événement historique. Cependant, et au delà du film lui même, la figure du martyr-moteur de l'histoire traverse les siècles, de jésus crucifié à Necker renvoyé (prise de la bastille), et, très contemporaines, la mort de Mohammed Al-Durah (seconde Intifada) et celle d'Andreas Grigoropoulos (émeutes en Grèce de 2008).